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01-03-2006

Vaincre la fatigue synaptique

Bruno Lacroix


L'homme moderne, harcelé par l'agression quotidienne de la vie dans les grandes métropoles, passe allègrement de l'excitant matinal au somnifère vespéral : dérisoire synthèse des contraires dans un monde en rupture d'équilibre. À côté de cela, les instances gouvernementales interdisent l'usage de drogues tout en autorisant certaines d'entre elles (nicotine, alcool). Si les drogues nous font de l'effet, c'est qu'elles contiennent des molécules agissant sur les drogues naturellement fabriquées par notre organisme, en particulier par notre cerveau. Ce sont des messagers chimiques qui passent d'un neurone à l'autre et transmettent un signal. Les neurotransmetteurs freinent, accélèrent, estompent ou amplifient ce signal. Alcool, café, tabac… la drogue est partout. Se calmer, se stimuler avec ces molécules passe par l'inhibition ou l'accélération de certains neuromédiateurs. Ainsi, se calmer passe principalement par le frein de la sérotonine et du GABA, tandis que se stimuler passe par la dopamine et la noradrénaline. Malheureusement, l'usage abusif de ces drogues perturbe le fonctionnement de ces neuromédiateurs et, avec le temps, déstabilise nos fonctions organiques avec pour conséquences anxiété, dépression, fatigue, insomnie et épuisement de nos surrénales.


L'Occidental est un homme d'action, son attirance pour les stimulants semble logique. Il n'y a rien de mal à prendre un café le matin ! Mais qu'en est-il de l'abus ou du post-crash de la fatigue dû aux stimulants ? Une mauvaise signalisation de l'axe de nos messagers chimiques dopamine et noradrénaline ne serait-t-elle pas la cause de compulsions envers certaines drogues ? Les progrès de la science nous montrent que l'utilisation judicieuse de certains suppléments alimentaires permet d'améliorer la signalisation des catécholamines dopamine et noradrénaline et ainsi d'augmenter énergie, bien-être et, aussi, aptitude à lutter contre le stress et la fatigue synaptique.

L'équilibre dopamine/sérotonine


Notre cerveau révèle ses informations par un système de communication appelé neuromédiateurs. Certains ont une action activatrice, d'autres, inhibitrice. Les principaux neuromédiateurs sont la dopamine, la sérotonine, la noradrénaline et l'acide gamma-amino-butyrique (GABA). Il existe également des neuromédiateurs de structure peptidique, comme les enképhalines ou la substance P, qui agissent au niveau de la transmission de la douleur. Si certaines cellules nerveuses peuvent synthétiser plusieurs neuromédiateurs, elles sont cependant souvent spécialisées selon leur localisation dans le système nerveux. Pour combiner bonne stabilité émotionnelle et bonne humeur, plus d'énergie et moins de fatigue, il est important d'avoir un équilibre entre catécholamines (dopamine/noradrénaline) et sérotonine. La sérotonine est « le neurotransmetteur de la sociabilité ». Son dysfonctionnement engendre irritabilité, colère, violence, voire même, le suicide. Cependant, si cette « génération Prozac » fait l'éloge de la sérotonine, la voie catécholaminergique, la grande oubliée, mérite que l'on s'y attarde.
L'élévation de la dopamine, activateur métabolique ubiquitaire, accroît la motivation. À l'inverse, l'état d'hypoactivité dopaminergique a tendance à diminuer l'activité de l'organisme et son énergie.

Quant à la noradrénaline, fabriquée à partir de la dopamine, elle régule la vigilance et l'humeur ; sa déficience est source de dépression ou de fatigue générale. Contrairement à la dopamine, la sérotonine, modérateur métabolique ubiquitaire, est une molécule du repos comportemental. Toutes deux agissent de concert par des actions physiologiques différentes. La sérotonine contrôle la réactivité du système nerveux dans le sens du repos et de l'atténuation des comportements les plus divers et est impliquée dans l'initiation du sommeil.

L'alpha-mâle, le dopaminergique par excellence

 
Dans l'évolution humaine, l'alpha-mâle représente le chef du clan. Il est caractérisé par l'élévation importante du taux de testostérone/dopamine. Il maintient des niveaux élevés de dopamine pour assurer la libido et la reproduction, sa paranoïa lui permet d'assurer sa survie face aux dangers du clan ou d'ennemis éventuels. La dopamine est la molécule mâle par excellence, même si la femme en produit à un moindre degré. C'est la molécule de la « persistance comportementale », conduite incapable d'adaptation, typiquement masculine. Elle est aussi la molécule de la paranoïa, de l'agitation, de l'action, de la domination réclamant la soumission et de l'agressivité. L'homme dominant possède souvent une testostérone élevée, cause probable d'une dopamine élevée. Cette dernière semble constituer un contrepoids à l'action « tranquillisante » de la sérotonine. Celle-ci favorise la passivité et l'inaction tandis que la dopamine stimule l'action ! Lorsque la dopamine est hypofonctionnelle, l'individu se sent insignifiant, apeuré et a envie de se terrer comme un animal craintif. Pour ceux qui en doutent, l'utilisation du neuroleptique Haldol, un antagoniste des récepteurs dopaminergiques, est un bon test.


À l'inverse, lorsque la dopamine est hyperfonctionnelle, la personne s'impose comme un leader ne tolérant aucune opposition. La dopamine est aussi la molécule de la persistance comportementale ou entêtement. À forte dose, elle induit des stéréotypes déconnectés du réel.
Chez les mammifères, le système nerveux central des femelles est plus « sérotoninergique » que celui des mâles. L'activité de la sérotonine est donc plus élevée dans le système nerveux central d'une femme que dans celui d'un homme. Apprivoiser un animal sauvage entraîne une modification de la biochimie cérébrale avec une plus grande production de sérotonine et une baisse de dopamine. À croire qu'avec des inhibiteurs de blocage de la sérotonine de type Prozac, l'on cherche à nous apprivoiser et que l'on diabolise souvent la dopamine par peur de rébellion !

Déficit en neurotransmetteurs


Le déficit en catécholamines est dû à diverses causes : environnement, stress, dépression, maladie, âge, génétique. Il engendre de nombreuses pathologies. Il est donc urgent de diagnostiquer une altération des neuromédiateurs afin d'agir rapidement sur l'amélioration de la neurotransmission.

Symptômes d'une baisse des catécholamines

• baisse de l'intensité pulsionnelle (libido, appétit, motivation) et augmentation de la mélancolie ;
• anhédonie : absence de sensation de plaisir, non-appréciation des récompenses (douleur morale) ;
• asthénie psychique : baisse de la vitesse et du nombre des décisions, des initiatives, de la vitesse d'idéation, de la créativité, de la confiance en soi ;
• ralentissement psychomoteur avec asthénie physique, recours à des stimulants (caféinomane ou chocolatomane, phényl-éthylamine), baisse de l'esprit d'initiative et de la créativité ;
• hypersomnie ou sommeil agité.

La restauration des neurotransmetteurs par leurs précurseurs est devenue, pour de nombreux praticiens, le traitement primaire. Les médicaments antidépresseurs sont souvent utiles mais la connaissance des mécanismes de la dépression permet l'utilisation de certaines stratégies naturelles pour la prévenir, voire la guérir. En restaurant l'hyperactivité de la glande surrénale et en relançant la synthèse des neurotransmetteurs par leurs précurseurs, de nombreuses dépressions sont évitées.
L'étude de Cauffield et Forbes de 1999 compare certains suppléments à des molécules allopathiques. Les oméga-3, les acides aminés (phénylalanine, tyrosine, tryptophane, 5HTP), le PEA, le St John Worth ont une certaine efficacité dans les dépressions modérées. Des études cliniques comparant certains suppléments micronutritionnels à des antidépresseurs à doses modérées (maprotiline, amitriptyline, ou imipramine à 75 mg/j) ou à doses élevées (imipramine à 150 mg/j) ne trouvent aucune différence significative entre les traitements naturels et allopathiques1.
Les antidépresseurs ne sont efficaces que sur 50 % des patients et ne sont pas la solution miracle. L'une des théories majeures de la dépression est la baisse des neuromédiateurs (noradrénaline et sérotonine) dans la fente synaptique avec en parallèle la hausse de leurs récepteurs post-synaptiques. L'efficacité principale des antidépresseurs se réalise via la diminution des récepteurs post-synaptiques (down-regulation) en 3 semaines, ce qui explique le délai d'apparition des effets positifs sur l'humeur.


Cependant, la fatigue synaptique des catécholamines a d'autres causes physiologiques :

• diminution des précurseurs : phénylalanine, tyrosine et L-dopa ;
• activité insuffisante de la tyrosine hydroxylase, l'enzyme primordiale pour la biosynthèse des catécholamines ;
• taux bas de cofacteurs variés pour la chaîne enzymatique de la dopamine et de la noradrénaline ;
• problèmes avec les canaux de Ca++ (pour la libération des vésicules) ;
• élévation de l'activité de la HMG CoA réductase et de la digoxine ;
• augmentation de la TAT hépatique due à l'élévation du cortisol.

Augmenter et potentialiser les catécholamines


1. Favoriser l'apport des précurseurs des neurotransmetteurs (L-phénylalanine, DL-phénylalanine, L-tyrosine et PEA)

La prise de L-tyrosine et de L-phénylalanine n'augmente pas de façon prévisible les taux cérébraux de dopamine et de noradrénaline. La tyrosine hydroxylase (TH), une enzyme clef dans la conversion des acides aminés en catécholamines, dopamine et noradrénaline, est normalement saturée. Néanmoins, le stress, l'effort physique, le froid et une déplétion des catécholamines activent la TH et permettent ainsi d'augmenter la synthèse des catécholamines. Dans de nombreux cas, une supplémentation en acides aminés phénylalanine et tyrosine est utile pour éviter les conséquences néfastes d'une déplétion en dopamine et noradrénaline2. Dans une étude en double aveugle, la DL-phénylalanine (150 à 200 mg/24 heures) ou imipramine (150 à 200 mg/24 heures) ont été administrées à 40 patients déprimés (20 patients dans chaque groupe) pendant 30 jours. Il a été conclu que la DL-phénylalanine pourrait avoir des propriétés antidépressives3.
La stimulation de la synthèse des catécholamines pour améliorer l'humeur et la fatigue synaptique semble une piste sérieuse pour de nombreux scientifiques. La TH est l'enzyme limitant la synthèse de dopamine et noradrénaline. Elle peut être impliquée dans la pathophysiologie des désordres psychiatriques et des troubles de l'humeur. Le gène de la TH semble impliqué dans l'étiologie de ces troubles4. Une stratégie intéressante et naturelle pour augmenter la synthèse des catécholamines endogènes est d'utiliser la nicotinamide adénine dinucléotide (NADH) qui stimule la tyrosine hydroxylase et la biosynthèse de dopamine, en administration orale ou intraveineuse5.

2. Favoriser l'entrée des précurseurs des neurotransmetteurs dans le SNC (cofacteurs)

Ils sont indispensables au bon fonctionnement du cerveau, participent à la synthèse de neuromédiateurs et leurs carences sont à l'origine de certains types de dépression. Le professeur Benton, de l'université de Swansea en Angleterre, a supplémenté plus d'une centaine de patients en bonne santé sur 12 mois avec 9 vitamines à des doses 10 fois supérieures à celles recommandées. Le résultat est sans équivoque : tous ceux sous vitamines, par rapport à ceux sous placebo, ont amélioré de façon significative leur humeur, leur bien-être et leur énergie6. Une carence en acide folique et vitamine B12 peut causer des perturbations neurologiques et psychiatriques comme la dépression et la démence. Le manque d'acide folique affecte le métabolisme central des monoamines et aggrave les désordres dépressifs7. Le déficit en acide folique baisse les niveaux de la S-adénosylméthionine (SAMe), antidépresseur naturel qui augmente les taux de dopamine, noradrénaline et sérotonine du cerveau. Ces données suggèrent que de faibles niveaux de neuromédiateurs chez certains patients peuvent être une conséquence secondaire des taux bas de SAMe8. Les niveaux tissulaires de SAMe diminuent avec l'âge et chez les patients souffrant de dépression. L'utilisation de la SAMe a des effets similaires à ceux des antidépresseurs conventionnels et sont plus rapides. Le mécanisme par lequel la SAMe agit est peu clair, mais il est fort probable qu'il soit rapproché de l'augmentation des taux de neurotransmetteurs cérébraux comme la sérotonine et la dopamine. La SAMe est efficace et n'a pas les effets secondaires des antidépresseurs (fatigue, impuissance, nervosité, troubles du sommeil et maux de tête). Des suppléments de méthionine, précurseur de la SAMe, ne semblent pas améliorer l'humeur. Les doses de 200 à 600 mg/j sont efficaces sur l'humeur, la fatigue et certains types de dépression9. Le déficit en pyridoxine (B6) mène à une moindre production centrale de neurotransmetteurs. Des doses élevées en pyridoxine, en amplifiant les taux tissulaires de pyridoxal phosphate (PLP), ont un impact favorable sur l'humeur ; des taux élevés de PLP agissent sur les récepteurs glucocorticoïdes en évitant leur « down-regulation », facteur de prévention du stress et de la dépression 10. Une réponse rapide adrénergique nécessite de la tyrosine (précurseur des catécholamines) et autres acides aminés, des vitamines B1, B6 et C, du magnésium et du cuivre. La fatigue adrénergique a diverses conséquences physiologiques, mais c'est souvent la déplétion des stocks de noradrénaline qui engendre une fatigue synaptique.

Suite de cet article dans le prochain numéro d'avril.

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1. Cauffield JS et al., Dietary supplements used in the treatment of depression, anxiety, and sleep disorders, Lippincott's Primary Care Practice, 1999 May-Jun, 3(3):290-304.
2. Gibson C. et al., Tyrosine pour le traitement de dépression, Adv. Biol. Psychiatry, 1983, 10:148-159.
3. Beckmann H. et al., DL-phenylalanine versus imipramine: a double-blind controlled study, Arch. Psychiatr. Nervenkr., 1979 Jul, 4; 227(1):49-58.
4. Serretti A. et al., Tyrosine hydroxylase gene associated with depressive symptomatology in mood disorder, Am. J. Med. Genet., 1998 Mar 28, 81(2):127-30).
5. Swerdlow R.H., Is NADH effective in the treatment of Parkinson's disease? Drugs Aging, 1998 Oct, 13 (4): 263-8.
6. Benton D. et al., Vitamin supplementation for 1 year improves mood, Neuropsychobiology, 1995, 32 :2, 98-105.
7. Ottiglieri T. et al., Folate, vitamin B12, and neuropsychiatric disorders, Nutr. Rev., 1996 Dec, 54(12):382-90.
8. Young S.N., The use of diet and dietary components in the study of factors controlling affect in humans: a review, J. Psychiatry Neurosci., 1993 Nov, 18(5):235-44.
9. Kagan B.L., Oral S-adenosylmethionine in depression: a randomized, double-blind,placebo-controlled trial, Am. J. Psychiatry, 1990 May, 147 (5):591-5.
10. McCarty, High-dose pyridoxine as an ‘anti-stress' strategy, Cancer Treat. Rev., 2000 May, 54(5):803-807.

LACROIX Bruno
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